août 18, 2009

Writers, dvd "20 ans de graffiti à Paris"

Parue en 2005 sur lingredient (webzine), cette chronique présente un dvd qui mérite toujours exposition.


Marc-Aurèle Vecchione

Writers, « 20 ans de graffiti à Paris »

(Résistance Films/2Good)

Ce n’est pas la saison pour encenser le graffiti. Le très bon magazine Graff It ! et quatre autres confrères se sont fait attaqués par la SNCF, qui leur réclame des millions pour avoir publier des photos de graffiti vandales, sur des locaux ou du matériel roulant, publication qui fut comme chacun sait une incitation à la dégradation. (Le tribunal a donné tort à la Sncf). Un train recouvert de peintures ne pouvant plus rouler, ou plus percutant encore comme le confirmait le tribunal correctionnel de Dieppe, « pour qui le fait de peindre une fresque sur un bâtiment abandonné a rendu celui-ci impropre à sa destination…de bâtiment abandonné. » Un gouvernement de crise n’étant jamais en mal de répression, beaucoup de ces peintres en bâtiment sont tombés, dans les filets ou sous les balles, et les sites qui présentaient des photos de graffiti, légaux ou illégaux, ont fermé éjectés par leurs hébergeurs. Non, aujourd’hui, il ne fait pas bon dire du bien d’une peinture en liberté.


Mais il est encore temps de la connaître, de l’apprécier dans son salon, de la découvrir s’il le faut, et pour bien la comprendre il devient indispensable de voir «Writerz », le film de Vecchione, seul document à même de présenter vingt années qui transformèrent la capitale, l’urbanisme, le pays. Il présente, avec l’aide des principaux protagonistes de cette histoire dangereuse, toutes les étapes des premières peintures en 1983, les quais de Seine, en passant par les terrains vagues, dont celui de Stalingrad, la radicalisation du vandalisme jusque dans le métro (dont la station Louvres) et les quelques qui travaillèrent la technique de la fresque gigantesque. Avec dix à vingt ans de recul, voir Bando, Mode2, Boxer, mais aussi Squat, Shen, Oeno, les BBC, MAC, TCG, et presque tous ceux qui furent importants dans les dix premières années, s’exprimer sur leurs motivations, leurs évolutions, rend ce film bien vivant, en plus d’être didactique. Le spectateur néophyte est pris par la main avec des définitions claires des termes techniques, une progression à travers ce qu’on appelle l’ « histoire » du mouvement, et la voix patiente de Vincent Cassel, qui narre et détaille à loisir, entre les interviews.


Sur une heure trente, la vitalité du film ne retombe pas, grâce à de très nombreuses sources d’images, que ce soit toutes les entrevues avec les peintres, réalisées ces deux dernières années, mêlées aux photos et films d’époque, majoritairement inédits et surtout enchaînés avec brio. Le très riche fonds d’images fixes revit par la grâce du montage, qui en 3d, qui en panoramique, pour mieux se mêler aux vidéos. Soulignons par ailleurs les animations et graphismes de Lokiss, Turs74, Akiser et Dizer, les plans en 2d de Paris, du métro en 3d, qui revitalise régulièrement le film. Une ambiance qui ne retombes pas grâce aux interventions d’acteurs du mouvement de toutes les époques, ainsi que le regard d’observateurs tels Futura, Seen, Delta ou Chalfant, qui, bémol pour certains, s’expriment dans un parfait anglais non-sous-titré. La bande-son, composée pour l’occasion, s’écoule toute seule, comme les années traversées, et après la première décennie, c’est dans un tourbillon de créativité que l’on aborde les styles des PCP, GT, jusqu’aux UV, TPK, WUFC, en passant par Jon156, pour aborder les dernières étapes du graffiti, les nouveaux acharnés et les trains, qui tournent maintenant dans toute l’Europe.


Bien entendu, ce film est le Style Wars français, et c’est un indispensable pour tous les amoureux de cette culture, de cette peinture, puisque beaucoup des plus belles pièces parisiennes y sont. En bonus vous trouverez une demi-heure d’une blockparty du terrain mythique de Stalingrad, document unique pour comprendre l’esprit originel du mouvement hip hop en France, à l’ancienne : une énergie créatrice, Dee Nasty aux platines dans les gravats, quelques danseurs sur les restes de carrelages, quelques peintres pour beaucoup de pièces magnifiques. Et le look, coco ! J’adore le street wear de cette époque.


C’est aussi le premier document à présenter correctement ces poseurs de peinture sur les murs, analysant l’esthétique de cette pratique, et les motivations destaggeurs et des peintres. Pour comprendre quand on n’y comprend rien, pour prendre son pied quand on est dans le bain.

Chron Camille thé

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